Alain Buttard
L’esquisse comme accomplissement

« L’imagination de l’artiste, dit Balzac, est un monde de potentialités qu’aucune œuvre ne parviendra à actualiser. » Est-ce par inaptitude de l’œuvre, est-ce par impossible épuisement du sujet? C’est en tout cas dans cet écart, dans cette oscillation du balancier de la connaissance entre l’inatteignable et l’inépuisable que l’artiste s’évertue aujourd’hui. Une part de lui s’en va dans l’étendue, le mouvement et la profusion, épuiser tous les possibles, mesurer le réel qui est la somme de tous les possibles, et tenter l’accomplissement de soi par l’accumulation des preuves dissonantes. L’autre, qui sonde dans la profondeur de l’instant l’espérance d’une unité, en un geste qui annule le temps joue sa vérité comme on tente sa chance.

Telles sont les deux conduites, qui fondent l’œuvre de Kammerer-Luka : le signe graphique instantané comme espérance et résolution, le signe comme révélation, et les variations sérielles comme appréhension de l’illimité.

La main et l’ordinateur que baigne la lumière, c’est-à-dire la couleur.

Ce monde disloqué, qui voue désormais chacun de ses lendemains à la destruction ne peut rien porter à la maturité, sinon la nécessité de son changement. Ni la société dans son ensemble, ni aucune des parties qui la constituent ne trouvent plus en elle le souffle qui porte les œuvres amples, profuses et totalisantes. L’irrépressible faculté créatrice des hommes a dû se trouver d’autres voies de réalisation.

Comme un élan toujours repris, comme une vitalité inquiète de son impossible épanouissement, l’œuvre de ces temps incertains et défaits réside dans la somme des approximations. qui permettent d’atteindre à une forme, plutôt que dans la forme elle-même. L’approche plutôt que l’œuvre définitive, voilà aussi la démarche de Kammerer-Luka – une œuvre dont le corps diffus et multiple nécessairement inachevé, est constitué d’innombrables esquisses et fragments. A celui dont l’existence est une quête, la proximité n’est donnée que par instants. Quelle soit signe synthétique ou variation, geste unique ou coloration foisonnante, cette œuvre trouve dans le croquis et l’ébauche le lieu paradoxal de son accomplissement – croquis, esquisses, ébauches, fragments, réalisations instantanées qui n’épuisent pas l’élan, qui actualisent les potentialités et conservent à l’intention sa virtualité, sa force suggestive.

Une telle œuvre ne se présente donc pas comme un tout homogène et clos. C’est une réalisation qui sollicite encore la pensée, qui convoque celle du spectateur, attend de lui d’autres développements. En ce sens, elle fait de la conception et de la contemplation un seul et même acte créateur. Elle ne montre pas, elle permet de voir.

Parmi les travaux de Kammerer-Luka, il en est d’une nature particulière – la série des empreintes et des prélèvements – qui jalonnent l’œuvre dans son ensemble. Affiches déchirées, photographies, objets industriels, frottages, papiers marbrés, ces travaux ne relèvent pas, contrairement au ›ready made‹ auquel on pourrait les apparenter, d’une attitude polémique à l’égard de l’art et de ses conventions. Participant de la méditation de l’artiste, ils semblent plutôt constituer un point de jonction épisodique entre la voie gestuelle et la voie sérielle qui organisent son œuvre.

L’empreinte, par l’acte qui la produit procède, comme le signe graphique, de l’instant et au sens propre, de la révélation. En ce qu’elle s’empare d’une partie de la réalité, l’empreinte relève aussi de l’étendue, c’est-à-dire du parcours et de l’initiation. Entre la recherche d’unité et l’impossible mesure du réel, l’empreinte n’est plus un reflet mais la présence encore de la réalité dans l’acte qui l’a déjà changée en objet sensible, qui l’a déjà transformée en pensée.

Depuis la guerre, mais pour peu de temps encore, le peuple allemand vit un déchirement si tragique, si tangible et en même temps si symbolique de l’état du monde, qu’ il n’y a rien d’étonnant à ce que ses artistes soient ressentis comme exprimant de la manière la plus aiguë la conscience et la sensibilité de notre temps.

C’est à l’occasion de projets d’art public (pour l’architecture, l’urbanisme ou l’industrie) que Kammerer-Luka a, pour sa part, pu trouver la mobilisation intérieure et la force de conviction nécessaires à la réalisation de quelques œuvres monumentales qui contredisent le propos d’ensemble que j’ai tenu jusqu’ici. Comme si pour lui le lieu du sens résidait finalement dans la vie communautaire. Comme si l’unité de l’être coïncidait avec les valeurs qui le constituent comme être social. Il n’y a là non plus rien de vraiment étonnant.

Kammerer-Luka et moi avons fait connaissance il y a huit ans, lorsqu’à mon arrivée il accepta de concevoir l’image graphique qui, pendant cinq années servit nos relations avec le public. Je suis touché de présenter la rétrospective de son travail au moment où je vais quitter l’établissement. Que l’exposition doive pour des raisons financières et faute d’un soutien local et régional, rester une esquisse, n’est somme toute ni contre la nature de l’œuvre, ni contre le cours des choses.

Un cycle s’achève en cet accomplissement. L’esquisse ouvre sur d’autres variations, afin que chacun puisse continuer de jouer à l’infini …

Avril 1990

Alain Buttard

 

Rainer Lawicki
De la densité formelle à l’image ouverte –
Le processus de création artisitique de G. F. Kammerer-Luka 

La voie artistique et personnelle empruntée par  G. F. Kammerer-Luka évolue entre deux pôles : l’analyse philosophique et scientifique et la spontanéité et la vitalité créatrices. Les deux pôles s’interpénètrent et se rencontrent aux points d’extension opposés, tel le diamètre du cercle. Une ligne qui ne reste pas à la surface, mais cherche à saisir l’essence des choses et à la rendre accessible à la concience. Une voie qui ne peut pas emprunter le  chemin le plus court entre deux points, mais qui suit une ligne sinueuse – peut-être est-ce même une ellipse ou une spirale –  tournant autour de son propre axe. C’est le fil d’Ariane sortant du dédale confus et inextricable pour entrer dans une vision du monde dualiste. Il mène aux points centraux, deux pôles opposés dans le processus itératif de la nouvelle pensée.

Engagé sur le chemin d’une recherche opiniâtre de l’essence de l’être, d’une interrogation ontologique dans le sillage de la philophie de Martin Heidegger. Marqué par l’expérience d’une génération ayant vécu et enduré la guerre à la recherche du sens de  la vie, Gerhard Friedrich Ludwig Kammerer signe d’abord ses œuvres avec G. F. Kammerer-Luka, puis LUKA. Kammerer a fait l’expérience du national-socialisme dans les rangs de la jeunesse hitlérienne. Durant sa préparation militaire de pilote de planeur il a été confronté à la  mort au cours d’une attaque aérienne. Il grandit à l’époque de l’existentialisme, conscient que la conception du monde ne repose désormais que sur l’individu. Kammerer vit la reconstruction de l’Allemagne dans la zone d’occupation française et, toute sa vie durant, s’efforce de promouvoir les échanges franco-allemands – il vit et travaille à Belfort, puis à Castres dans le sud de la France.

Sa pensée scientifique se forme à Fribourg et à Bonn dans les années 1950 – 1958 où il étudie la philosophie, l’histoire, l’allemand et le français. Il suit les cours de Martin Heidegger et étudie sa philosophie de l’être avec un profond sérieux. Dès le début de ses études, Kammerer travaille sur le chantier de la cathédrale et suit une formation de sculpteur. Plus tard, il suit les cours du soir de dessin donnés par Rudolf Dischinger à l’académie des Beaux-Arts de Fribourg. Théorie et activité artistique sont sur le même plan : activité pratique et intellectuelle et compréhension. Kammerer poursuit ses études à l’université de Bonn de 1952 à 1954. L’art continue a faire partie intégrante de sa vie, encore plus à partir de 1952 grâce à sa rencontre avec Ernst Wilhelm Nay.  Pendant deux ans, Kammerer se rend dans son atelier, suit attentivement la période des Images Rhytmiques et participe activement aux entretiens. Terminer ses études et être un artiste indépendant, c’est là son objectif tacite. Son séjour d’un an à Belfort en 1958 – 59 est suivi des années d’assistanat au lycée de Neustadt et de Ettenheim. Il prend un congé sans solde et s’installe à  Belfort. À cette époque, il travaille sur sa thèse de doctorat ›La Forme du Merveilleux chez  Achim von Arnim‹. Kammerer écrit également des poèmes et des nouvelles, se passionne pour le cinéma, fait des photos, dessine et exécute des peintures de petits formats d’une étonnante diversité stilistique. Il crée des séries d’œuvres reprennant des motifs plus anciens, où l’art figuratif et l’art abstrait sont à égalité. Dans son journal de 1964 – 65, Kammerer réfléchit à la séparation conceptuelle entre le  figuratif et l’abstrait.:

»12. 7. 65 Figuratif – Abstrait de par la forme,  c’est-.à-dire artisitiquement sans importance  = figuratif-non figuratif. C’est une question de pureté – images absolues = images de l’absolu = abstrait = PUR. Le figuratif cache – assombrit : l’absolu dans le domaine figuratif forme de manière analogique. L’aspect artistique, c’est-à-dire l’aspect graphique formel – se rapportant au figuratif ou non figuratif – est identique = rencontre du hasard et du calcul – du conscient et de l’inconscient – … comme élement vivant dans la composition + tonalité.

En ce qui concerne le sujet, il s’agit tant dans le dessin figuratif que dans le dessin abstrait du rapport de l’étant à l’être … – de la dimension cosmique du figuratif – ou – de la dimension du cosmique dans le dessin abstrait. Dans les deux groupes de sujets, l’étant, le temps-le fini (= forme) est élevé dans la disposition (Gestimmtheit) de l’être humain (fond).«

À ce momment-là, l’artiste signe déjà LUKA – Ludwig Kammerer. Quatre lettres dans une grille croisée, comme pour équilibrer le mouvement opposé de l’horizontale et de la verticale.

La liberté créatrice et l’ouverture mentale de son regard se distinguent déjà dans les premières séries d’œuvres de l’hiver 1949/50. C’est une suite de signes apparentés à l’écriture automatique dans lesquels l’inconscient s’exprime immédiatement. Sur un bloc de papier commercial de petit format sont esquissés des caractères notés dans une trame de champs graphiques. Variation, succession et combinaison caractérisent ces notes graphiques, semblables au sténogramme d’un flux intérieur. Ce sont des lignes de mouvement dynamiques évoquant aussi bien des compositions que des constellations formelles ou des postures corporelles.

Extrait de ›Kammerer-Luka, Rétrospective 1950-2015‹, vol. 1

 

Alain Buttard
LUKA + KEMPF : la Dynamique Modulaire

La pensée modulaire offre une clef pour la perception du réel dans ses multiples manifestations naturelles et humaines. Elle appréhende les ensembles du monde comme constitués d’éléments de base, en nombre restreint, et organisés en structures spécifiques. C’est ainsi que depuis les années 70, modules et structures fondent les recherches plastiques de l’art de LUKA.

Pour l’art modulaire, un point posé sur la toile blanche ou un pixel inscrit sur l’écran de l’ordinateur son ceptuellement identiques : ils représentent un fait initial, une donnée première de l’œuvre. La naissance d’une ligne peut alors être comprise comme le mouvement de ce point en évolution libre, point dont il convient de calculer la trajectoire pour déterminer le sens que prendra la ligne dans l’espace orienté. Le sens ainsi calculé ne se confond pourtant pas avec le sens qui fera de cet objet mathématique un signe. Seule son intégration au projet d’ensemble, à la construction globale envisagée par l’artiste, opère cette magie-là, cette transsubstantiation. Les modules élémentaires (le carré, le triangle, le cercle et leurs dérivés) constituent donc la matière première avec laquelle sont élaborées les formes plastiques qui signifient le monde – un monde que l’art contribue à refonder en luttant perpétuellement contre la stagnation et la mort. Parce qu’elle engendre des processus de compositions sérielles infiniment variables, la Dynamique Modulaire manifeste cette énergie vivifiante. Par l’altération du semblable, la modification du même dans la série, l’œuvre d’art modulaire participe en effet à la recréation continue du réel, à sa transformation constante. La vie est grande dévoreuse de formes, l’art sériel également. Tout est pris dans son tourbillon régénérateur : toutes les formes, mais aussi toutes les couleurs. L’artiste est comme Shiva qui danse pour tenir en vie la création, il est ce chorégraphe impétueux dont le mouvement détruit sans cesse, parce qu’il recrée toujours.

Et c’est dans le traitement de la série que l’intervention de J.-B. KEMPF et de la programmation informatique ouvre l’accès à ce qui, jusqu’ici, restait impossible à l’échelle individuelle : l’épuisement de tous les possibles. Tandis que le recours aux nouveaux outils de réalisation permet, lui, un autre dépassement de l’individu : à l’écran ou sur la sortie d’imprimante, il n’y a plus de gestes apparents dans l’application du trait ni de la couleur, plus de main ni de travail, plus de subjectivité expressive. Comme les modules de base et les couleurs initiales, l’œuvre achevée semble être une donnée immédiate, un fait anonyme de culture, sans créateur individuel, sans autre auteur que le génie humain.

L’équilibre de l’univers lui vient de son propre mouvement. L’art modulaire pourrait aujourd’hui, comme le firent les divinités anciennes, sembler incarner cette énergie vitale qui orchestre le monde … s’il n’était, lui aussi, un produit du cerveau humain, c’est-à-dire, une figure provisoire du désir.

Octobre 2000
Alain Buttard

 

Barbara Nierhoff-Wielk
De la densification de la forme à l’œuvre ouverte
Remarques à propos des travaux de KAMMERER-LUKA
générés par ordinateur

« La relation avec l’ordinateur signifie, pour moi, en premier lieu, celui d’une potentialisation quantitative et qualitative de création par l’exploitation systématique de concepts artistiques », résume KAMMERER-LUKA en 1984.

L’artiste évoque ici un aspect essentiel, faisant référence au recours, pour son art, à la technologie numérique. Les travaux générés de cette manière sont une composante de l’œuvre artistique comprenant un large éventail, depuis le dessin, en passant par la peinture, jusqu’à la sculpture, l’installation et l’action performance. La création artistique n’est pas toujours obligatoirement déterminée par des recherches algorithmiques mathématiques, comme le montrent par exemple les tout derniers projets de Land Art. Et les résultats eux-mêmes du travail effectué sur l’ordinateur sont extrêmement variés. Outre les dessins ou autres créations generées directement sur ordinateur, il existe d’une part des travaux prenant les résultats visuels d’un programme qui sont le prétexte à d’autres réflexions artistiques de technique traditionnelle, et d’autre part des travaux constituant la base de nouveaux programmes : les ›Tableaux concept‹.

1968 marque le début des activités de KAMMERER-LUKA comme professeur d’allemand au Genie Mécanique à l’Institut Universitaire de Technologie de l’Université de Besançon
( IUT de Belfort ), où il fait la connaissance de l’informaticien Jean-Baptiste KEMPF en décembre 1971. En tant que professeur vacataire il initie les professeurs intéressés au langage de programmation FORTRAN. Dès lors, l’artiste KAMMERER-LUKA et l’informaticien J.-B. KEMPF collaborent et fondent en 1972 le ›Groupe Art et Ordinateur de Belfort‹.

En décidant de faire appel à l’ordinateur pour la genèse de son art, Kammerer-Luka pénètre non seulement sur un terrain inexploré, mais compte parmi les pionniers, car il fait partie des rares plasticiens se tournant de bonne heure vers ce nouvel outil qu’est l’ordinateur. En 1972, ›l’image digitale‹ est un genre encore nouveau. Les premières images obtenues par calcul sont réalisées au début des années 60 en Allemagne et aux États-Unis. Cependant les pionniers Frieder Nake, Georg Nees et l’Américain A. Michael Noll, ne sont pas des artistes, mais des scientifiques. Les fondateurs de l’art numérique ne sont donc pas des artistes au sens traditionnel du terme.

En Allemagne, l’Esthétique de l’Information de Max Bense qui a pour objectif de produire autant que d’analyser par des méthodes mathématiques des états esthétiques donne l’impulsion essentielle au développement de l’art numérique. C’est ainsi que, par exemple, l’exposition de quelques œuvres graphiques numérique de Nees, organisée en 1965, à la galerie-atelier de l’École Supérieure Technique de Stuttgart, est la toute première exposition d’art graphique numérique au monde. Pour KAMMERER-LUKA l’Esthétique de l’Information, avec son accès mathématique – scientifique à l’art, constitue une importante base théorique.

Appendice
Textes, discours et commentaires de Kammerer-Luka

 

Kammerer-Luka
Pensée modulaire – Création modulaire

1. Pensée Modulaire
Penser en modules est une tradition millénaire dans les mathématiques et la géométrie. La philosophie occidentale en témoigne de Démocrite à Leibniz. Elle est déterminante pour l’explication scientifique du monde dans le concept de cellules, d’éléments et d’atomes qui forment la matière et la vie en transformation énergétique, sa construction et sa destruction.

2. Création Modulaire
À la pensée modulaire correspond la création en modules: les formes et les propositions modulaires se trouvent dans l’architecture jusqu’au répertoire sonore de la musique. Dans l’ornement réaliste, abstrait ou géométrico-concret. Variabilité des modules isolés, en séries symétriques ou asymétriques. Complexité extrême dans l’art islamique. Souvent ces modules sont des signes mythologiques ou religieux. L’art moderne amène une liberté nouvelle avec l’autonomie des formes géométriques. Les compositions orthogonales de Malévitch évoquent la dynamique universelle dans sa vision du Monde Moderne. L’Art Concret perpétue cette innovationtout en la réduisant, par une autocensure, à des états esthétiques (BENSE).

3. Hommage à Malévitch
HOMMAGE À MALEVITCH (2007) retrouve l’impulsion originale et la renforce par lesigne de multiplication X. Le relief interactif emboitable (dépassant le milliard de variations) propose une nouvelle rencontre avec Malévitch, le carré noir sur fond blanc, le symbole de l’Art Moderne.

4. Aléa Modular
Les 13 gravures numériques du folio ALEA MODULAR (2012 – 2013) vont encoreplus loin: un nombre variable de formes rectangulaires, générées à partir d’un carré, flottent dans l’espace pictural. Leur composition s’organise au hasard selon la trajectoire d’une lancée manuelle. Les formes modulaires et le hasard réunis créent des tableaux uniques: l’ordre et la liberté dans l’œuvre ouverte.

5. Color 2010
Ces objets trouvés sont la matière première de cette installation: des sacs en matière plastique translucide et de différentes couleurs. Aléatoirement suspendus ils donnent à voir un monde coloré: les six couleurs de base avec le noir et le blanc. L’interaction des formes dans leur densité chromatique devient le thème de la création: dans le cadre rectangulaire de l’objectif, l’œil du photographe trouve les motifs qui montrent, par la cohérence de leur construction pecturale, l’individualité créative, le style de l’artiste.

6. Tableaux aimantés
L’ensemble de l’œuvre de Kammerer-Luka est caractérisé par l’interactivité: dès les années 1970, le spectateur devient également acteur pour exécuter une rotation manuelle, activer l’entraînement électrique d’un générateur de signes monochromes ou de surfaces.

 

Kammerer-Luka
À propos des films

Le groupe belfortin d’art généré par ordinateur Groupe Art et Ordinateur de Belfort (GAOB) est issu de la coopération entre l’artiste Kammerer-Luka et l’informaticien  J. B. Kempf à la suite de l’essai d’utiliser l’ordinateur pour ds projets d’art dans le bâtiment dans le but de renouveler l’art des grandes mosaïques architecturales. Un répertoire de composantes élémentaires fut développé avec des cercles et des carrés. Le programme informatique dirige la répartition des modules régulée soit selon les lois de la probabilité, soit selon les chaînes de Markov. L’analyse combinatoire assistée par ordinateur ouvre une palette de variations dans la conception d’une mosaïque beaucoup plus grande que dans le processus de composition traditionnel. Le principe de conception du hasard et du système est également basé sur la détermination virtuelle du texte pour laquelle le livre PARTITION 1992 a reçu le Golden Traceur de la ville de Gladbeck.

Depuis 1995,  le code barres fait l’objet de recherches formelles. En 1996, le GAOB a publié ses premiers résultats sous forme d’un programme numérique interactif. Partant du codage numérique de dates de naissance, l’ordinateur livre des combinaisons individuelles de compositions formelles.

 

Dieter Weber
Remarques à propos de la Rétrospective 1950 – 2015

Après la création en1972 du Groupe Art et Ordinateur de Belfort (GAOB) avec l’informaticien Jean-Baptiste Kempf, on assiste à une intensification des activités du groupe sous forme d’expositions et de participations régulières aux concours internationaux. Au sein du GAOB,  Kammerer-Luka peut désormais travailler à la réalisation de ses concepts artistiques dans le domaine de l’art généré par ordinateur.

De plus, un lien étroit s’établit entre son  activité d’artiste indépendant et ses projets de design. En effet, après l’enseignement dispensé de 1968 à 1989 à l’l’institut Universitaire de Technologie de Belfort (IUT), Kammerer-Luka, en qualité de designer industriel, a fondé à Belfort une entreprise extrêmement prospère jusqu’en 2005 : la société Kammerer-Luka-Design (K-LD), essentiellement active sur le marché allemand. À cette époque, il conçoit de grands projets pour des sociétés de services. En coopération avec des architectes et des ingénieurs, il réalise des projets destinés à des immeubles (commerces, hôtels), des intérieurs (caisses d’épargne) et des véhicules de transport (bus et train), ainsi que dans le domaine du design artistique et du design industriel.

Une partie de l’œuvre de Kammerer-Luka fait partie intégrante d’importantes collections. En  1989, un grand nombre d’œuvres anciennes d’art généré par ordinateur est transmis à la collection de dessins de la Bibliothèque Nationale de France. En 2012, Archiv Kammerer-Luka livre elle aussi à la Bibliothèque Nationale de France une sélection de dessins et de sérigrafies des années 1973 – 2011. En 2002, de nombreuses œuvres de l’art généré par ordinateur entrent dans la collection de dessins de la Kunsthalle Kiel. La collection de  Herbert W. Franke, transmise en 2007 à la Kunsthalle Bremen, comprend depuis 1981 des œuvres de Kammerer-Luka et Jean-Baptiste Kempf.  En 2007 également, le Cabinet des estampes de la Kunsthalle Bremen accueille un grand nombre des originaux créés entre 1975 et 79 des premiers  dessins de traceur de Kammerer-Luka imprimés au Centre Pompidou (ARTA).

Depuis 1963, la Ville de Belfort, située en Franche-Compté et hébergeant le célèbre Lion de Bartoldi, est le centre de vie et de travail de Kammerer-Luka. Belfort rend hommage à son œuvre et à son travail artistique ininterrompu. À souligner la Rétrospective en quatre parties de 1990 qui a eu lieu au Théâtre de Belfort et s’est terminée par une action artistique dans l’espace public. Dans la collection des musées de Belfort et dans les archives du département, il y a aujourd’hui des œuvres de la première période du Groupe Couleur, du Groupe Art et Ordinateur de Belfort et de son activité photographique.

Extrait de Kammerer-Luka, Rétrospective 1950-2015, Vol.2